POLITIQUE - «La première des urgences, c'est de faire baisser le chômage», affirme l'ancien Premier ministre socialiste...
L'ancien Premier ministre socialiste Michel Rocard plaide dans Le Journal du dimanche pour un "ralentissement" dans la réduction des déficits, une réduction du temps de travail et un départ à la retraite à 65 ans. "Il y a le feu", affirme M. Rocard dans un entretien. "Regardez où en sont les moteurs de la croissance. La consommation est en panne à cause du chômage, l'investissement aussi puisque les perspectives sont nulles, les exportations sont en berne car l'Europe est en récession et la dépense publique est contrainte par l'objectif de réduire les déficits."
Pour l'ancien chef du gouvernement (1988-1991), âgé de 82 ans, "aussi longtemps que nous n'aurons pas fait accepter à nos partenaires européens un ralentissement dans la réduction de la dette, nous serons sous contrainte". "La première des urgences, c'est de faire baisser le chômage. Comme nous n'avons pas de croissance économique, la seule façon d'y parvenir est de réduire le temps de travail", assure-t-il. Reconnaissant que "ce sujet est un tabou", il souhaite que "la réflexion s'ouvre à nouveau". "En France, les salariés travaillent en moyenne 36,5 heures par semaine, contre moins de 33 heures en Allemagne et moins de 31 aux États-Unis. Il faut y parvenir par la négociation, en réduisant les cotisations sociales des entreprises", propose-t-il.
L'ancien Premier ministre socialiste Michel Rocard le 22 novembre 2012 à Paris —Miguel Medina afp.com
"Il faut dire la vérité aux Français"
"Je dis qu'il faut travailler plus tous collectivement pour gagner plus collectivement, ce qui permettra de réduire un peu la durée de chacun. Si les partenaires sociaux s'en saisissent, Hollande n'ira pas contre", assure Michel Rocard, qui vient de publier avec l'économiste socialiste Pierre Larrouturou un livre intitulé La gauche n'a plus droit à l'erreur. Il considère en outre "dangereux et mauvais" de s'engager dans le gel des retraites complémentaires. "L'amputation du pouvoir d'achat est imbécile, alors que le pays a besoin de davantage de consommation."
L'ex-Premier ministre estime : "La seule solution est d'allonger la durée de cotisation, d'aller peut-être jusqu'à 43 annuités." Il relève que la France est "le seul pays développé qui a fixé un âge de droit de départ à la retraite". "La réforme Sarkozy, poursuit-il, a fait passer au forcing les 62 ans... C'est décoratif, cet âge n'est pas une limite physique, ni intellectuelle."
"Il faut dire la vérité aux Français, le vrai calcul se fonde sur la durée de cotisations, pas sur un droit lié à un âge borné et inutile", dit encore Michel Rocard, pour qui, "en conséquence, on peut aller jusqu'à 65 ans", prenant ainsi le contre-pied du gouvernement.
Questionné sur la taxe à 75 % pour les plus riches, il fait valoir que la loi Tepa (juillet 2007) de Nicolas Sarkozy était "une insulte pour les 75 % de Français qui gagnent leur vie modestement". "Or, poursuit-il, l'insulte appelle la revanche. Je regrette que François Hollande en soit resté à la revanche." Il dit "espérer que le gouvernement saisira l'occasion pour mener une grande réforme fiscale, avec un impôt à la source harmonisé et plus progressif", qui "permettrait d'appeler les plus aisés à contribuer davantage, sans brutalité".
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